Maure est un terme local assez commun dans la région (Montmaurin, Mauremont, Puymaurin, Castelmaurou…) retrouvé aussi dans le massif des Maures, et plus loin sur le plan toponymique en Maurétanie qui correspondait, dès le 1er siècle AVJC, à un royaume situé au nord de l’actuel Maroc. Ce nom donnera plus tard Mauritanie.
La première idée qui vient à l’esprit, est d’associer le terme « Maure » à l’invasion des armées arabes qui dès 711 après avoir conquis la majorité de la péninsule ibérique s’emparent en 718 de Narbonne dont ils feront leur capitale pendant 40 ans.
A la même date, ils conquièrent Agde Béziers et Carcassonne ; mais échouent devant les défenses de Toulouse en 721.
La bataille de Poitiers en 732 stoppe leur avancée, la Provence et la Septimanie étant libérées entre 737 et 739. Seule Narbonne résistera et ne sera définitivement reprise qu’en 759 par Pépin le Bref.
Alors ?
- En premier lieu, les Maures, à part dans quelques villes importantes, ne se sont jamais implantés de façon permanente dans les villages, agissant plus par des razzias pour conquérir un butin que pour coloniser un territoire.
- Leur présence dans le sud-ouest n’a été effective que pendant une cinquantaine d‘années, temps assez court pour changer radicalement de toponymie.
- Il est peu probable que le village de Maureville les ait intéressés au point de lui donner leur nom et surtout, après leur retraite, les habitants se seraient empressés de débaptiser le village pour lui redonner un nom à connotation occitane.
Il faut donc trouver une autre étymologie.
En 1903, dans le bulletin de la société d’anthropologie de Paris, Adolphe Bloch envisageait pour l’étymologie de Maure plusieurs interprétations : phénicienne, africaine, arabe mais surtout gréco romaine.
L’étymologie grecque semble la plus vraisemblable ; en effet, dès le VIe siècle, l’évêque Isidore de Séville (560-636) qui a écrit, en 20 volumes, une œuvre majeure sur l’étymologie, avec, pour la première fois, une classification alphabétique (pour laquelle au XXe siècle le Vatican en fera le saint patron des informaticiens), notait que les maures étaient ainsi appelés par les grecs à cause de la couleur de leur peau. En grec le mot « mavros » veut dire noir, ce qui donnera en latin « maurus » qui signifie brun.
Le préfixe maure qui nous intéresse viendrait donc d’un terme signifiant « brun, obscur, sombre ».
Cherchons-en quelques exemples :
- Dès 888 le massif des Maures était déjà appelé « Montes Maurum », la montagne noire.
- Cheval tête de more : Se dit d’un cheval dont la tête et les extrémités sont noires.
- En ancien français et en provençal, le terme maure signifie « brun, sombre, foncé ».
- La couleur mordoré est un mélange de brun et de doré (Buffon dans son histoire naturelle le décrit comme une association des mots, maure « habitant de Mauritanie » et doré).
- La morille tire son nom du latin maurus brun.
- En médecine, il existe une maladie, l’amaurose, déjà connue au temps d’Hippocrate, qui la définissait comme « l’affaiblissement, l’obscurcissement de la vue » et qu’Aristote finement utilise pour qualifier l’affaiblissement de l’esprit. Le terme est toujours employé en médecine actuelle et signifie : perte de l'acuité visuelle mono-oculaire transitoire sans lésion apparente de l'œil (donc là aussi obscurcissement).
- Enfin, on peut ajouter que Saint Maurice (toujours du latin « mauros », noir), chef de la légion thébaine, qui, en 286, fut mis à mort avec ses soldats pour avoir refusé de persécuter les chrétiens, est représenté sous les traits d’un homme noir.
Le terme de maure était donc attribué, sur le plan toponymique, aux endroits sombres, obscurs, ce qui était le cas de la région du Lauragais, en partie recouverte de vastes forêts, pratiquement jusqu’à la fin du 19ème siècle.
Il y a encore une centaine d’années des bûcherons italiens étaient embauchés, sous contrat, pour aider au déboisement de la région.
Maureville, village situé à l’intérieur d’une sombre forêt……